I. Bref historique
Les approches systémiques émergent vers la fin des années 1940 sous l‘effet combiné des échecs des approches existantes, psychanalytiques et comportementales, du désir de solutions novatrices, de l‘élaboration de la Théorie des Systèmes et un peu plus tard des Théories de la Communication.
Diverses approches et écoles de pensée vont voir le jour. Ces approches se caractérisent par une nouvelle conception du symptôme. Ce n‘est plus le résultat d‘un conflit inconscient ou d‘un mauvais conditionnement. Le symptôme est considéré comme une propriété émergente d‘un système dont les éléments sont en interaction. La famille est alors envisagée comme un système à l‘intérieur duquel les membres s‘influencent mutuellement à la fois pour maintenir le système (notion d‘homéostasie) et à la fois pour favoriser le développement de ses membres.
II. Principes de base
Le symptôme du patient désigné apparaît quand le système ne parvient pas à changer son fonctionnement. Cette vision introduit une approche non culpabilisante autant pour le patient identifié que pour ses proches. Le focus est alors mis sur les facteurs qui maintiennent la crise et les symptômes plutôt que sur les causes.
Le symptôme va alors provoquer une crise obligeant une réorganisation de la famille.
Les interventions systémiques plus ou moins systématisées – de l‘intervention brève à la thérapie systémique familiale – visent à rencontrer un patient en présence de membres significatifs de son entourage afin de clarifier le contexte d‘émergence du symptôme et d‘intervenir sur les interactions qui permettent l‘émergence d‘un problème spécifique.
2.1. Qu’est-ce qu’un système ?
En psychologie, un système est constitué d’un groupe de personnes qui sont en interaction dynamique constante entre elles et avec leur environnement.
Un système évolue dans le temps et se modifie via des mécanismes d’ajustements et d’adaptation en fonction des stress qu’il subit, qui proviennent soit des comportements et des phénomènes qui affligent ses membres, ou encore de l’environnement dans lequel il évolue.
Un système organisé, comme une famille, implique que des règles, des rôles et des fonctions soient attribués à chacun de ses membres et permettent son fonctionnement. En effet, un système tend à vouloir préserver son homéostasie, c’est-à-dire sa stabilité et sa cohésion, en adaptant son fonctionnement via des interactions entre les membres. Par exemple, une famille en deuil du père pourra désigner le fils aîné comme nouveau responsable de l’autorité dans la famille, ce qui permettra de préserver un certain cadre de fonctionnement.
2.2. Emotion et régulation émotionnelle
Dès le début de l’apparition des thérapies familiales, les théoriciens de l’approche systémique ont été sensibles à la dimension émotionnelle présente dans les interactions humaines et dans les processus de transmission transgénérationnelle (Bowen, 1978). Comprenant bien la place des émotions dans l’émergence des symptômes, ils ont compris que c’est en mobilisant le cerveau droit que le thérapeute pouvait induire un changement chez le patient (Watzlawick, et al., 1975). Ils ont alors développé des techniques thérapeutiques comme le recadrage systémique, la prescription paradoxale, la connotation positive, les métaphores confrontantes, etc. Depuis, un certain nombre d’approches directement centrées sur les émotions se sont développées. Les Emotionally Focused Therapy avec Leslie Greenberg et Susan Johnson ont ouvert la voie.
2.3. Techniques et stratégies spécifiques
- Questionnement circulaire
Développé par Selvini et l’école de Milan, ce type de questionnement consiste à faire commenter par un membre du système les comportements ou les propos d’un tiers. Cette technique, qui cherche à relever les comportements et les interactions des membres du système entre eux sans s’intéresser aux causes des comportements, permet de susciter les échanges entre les membres tout en favorisant des changements de perspectives et l’émergence d’informations nouvelles.
Le questionnement systémique est spécifique dans la mesure où il élargit la vision des problèmes en se concentrant sur les interactions et le contexte de survenue des troubles.
La première tâche du thérapeute est ainsi de mettre en valeur les détails relationnels qui échappent à la construction de ses interlocuteurs : « Qui est impliqué dans la situation ? » « Quelles sont les circonstances d’apparition du problème ? » « À quel moment disparaît-il ? » « En quoi les rôles ont-ils changé ? »
- Recadrage
Il s’agit d’un commentaire sur les interactions qui amène un changement de perspective pour la famille.
Paul Watzlawick est l’un de ceux qui ont le mieux décrit le recadrage. La définition qu’il en donne est un classique : le recadrage permet de « modifier le contexte conceptuel et (ou) émotionnel d’une situation ou le point de vue selon lequel celle-ci est vécue », en les plaçant dans un autre cadre (Watzlawick et al., 1981, p. 116).
Exemple : Dans une famille très conflictuelle, le thérapeute souligne qu’à la base des chicanes se trouve une grande peur de perdre l’amour les uns des autres.
Le recadrage peut être complété au moyen de métaphores. Celles-ci permettent de traduire en image des émotions intenses et sont particulièrement puissantes quand le thérapeute reprend les mots de la famille.
Exemple : « Maman se sent prise entre deux feux quand papa et Thomas sont en conflit ».
Le génogramme est une technique spécifique qui permet d’imager le fonctionnement familial. Un génogramme permet d’illustrer l’arbre généalogique d’une famille sur trois générations. Selon le modèle utilisé, plusieurs informations peuvent y être colligées : une brève description des personnes illustrées, la nature des relations qui les unissent, leurs caractéristiques personnelles, etc. Le génogramme est le plus souvent l’occasion de rassembler la famille en thérapie pour construire ensemble un portrait de leurs proches. Pour le thérapeute, cet exercice permet de déceler des patterns qui se sont transmis entre les générations et pour engager la famille dans une activité commune.
- Prescription de tâches
L’objectif de la prescription de tâche est d’amener les membres de la famille à développer des modes d’interactions alternatifs. Il existe plusieurs « recettes » pré-faites provenant des différentes écoles de pensées de thérapie systémique qui permettent surtout de récolter de nouvelles informations sur la dynamique familiale.
Les prescriptions de tâches plus personnalisées aux enjeux de la famille permettent à celle-ci d’évoluer vers le changement, élément clé à la diminution de la souffrance de ses membres. Les prescriptions peuvent ainsi être élaborées par le thérapeute au moyen de sa créativité propre en utilisant le matériel intellectuel et émotif recueilli en rencontre. Les prescriptions peuvent être réfléchies à tête reposée entre les rendez-vous ou émerger de manière spontanée dans le feu de l’action des rencontres.
Tout comme le médecin prescrit des médicaments pour faire disparaître un symptôme, le systémicien prescrit des tâches pour que disparaisse le problème présenté. De même que les médicaments peuvent être administrés dans le bureau du médecin (une injection, par exemple) ou en dehors, les tâches pourront être exécutées en séance ou hors de celle-ci. Ultime analogie avec l’acte médical, les tâches seront proposées avec le sérieux et le caractère solennel d’une prescription médicamenteuse, et cela à plus forte raison quand l’approche est stratégique.
Conclusion
La psychothérapie familiale consiste en l’accompagnement d’une personne en lien avec son environnement familial et social. Ces différents environnements sont considérés comme des “systèmes” ayant leurs propres règles de fonctionnement et leurs valeurs. La thérapie systémique et familiale repose sur l’accompagnement d’une famille dans sa totalité si cela paraît pertinent et possible; ou de quelques membres de la famille en fonction de la problématique; ou d’une personne seule (voir le document suivant).
