Nous pensons qu’il n’y a pas à proprement parler d’indications spécifiques à la PIOS, mais plutôt des accents et une sensibilité propres à l’orientation systémique, lorsqu’il s’agit de déterminer si une personne peut bénéficier d’une thérapie individuelle. Comme pour tout travail psychothérapeutique, le thérapeute d’orientation systémique exige de la part du patient un minimum de demande personnelle. Toutefois, particulièrement sensible aux manières dont le patient vit ses relations, avec les problèmes que celles-ci lui posent, il se déclare spécialement compétent :
- lorsque le patient présente des problèmes au contenu directement familial ou conjugal (par exemple : conflit autour d’un héritage, difficulté d’autonomisation, renouer après une longue rupture, etc.), en lien avec une étape de vie (naissance d’un enfant, décès d’un parent, etc.), ou à visée explicitement relationnelle (par exemple : difficultés avec des collègues de travail, absence de confiance dans les autres, etc.) ;
- lorsque le patient présente une souffrance liée à ses troubles psychiques, dont il est particulièrement conscient de l’impact sur son entourage ;
- lorsque le patient consulte avec des demandes indirectes au nom de ses proches ;
lorsqu’il est faiblement différencié par rapport à son groupe d’appartenance (ce qui peut conduire le thérapeute à gérer en parallèle, en début de processus, des entretiens de famille/couple et des entretiens individuels)
Dans toutes ces situations et dans les deux dernières en particulier, il est évident que le clinicien systémicien, considérant toujours les liens d’un individu à ses systèmes d’appartenance, se demandera si cette personne pouvant bénéficier d’une thérapie individuelle ne devrait pas être rencontrée d’abord dans le cadre d’une thérapie de famille ou de couple.
Il faut savoir toutefois qu’il y a des cas où la thérapie de famille ou de couple est simplement impossible, ou explicitement contre-indiquée. En effet, la famille du patient est parfois inexistante, très éloignée géographiquement, trop disloquée, voire décédée, ou encore refuse tout contact avec les psy ; il est ainsi matériellement impossible de la réunir.
Dans d’autres situations, sa présence, du moins celle de certains de ses membres, pourrait être trop intrusive ou destructrice pour le patient, celui-ci ayant besoin, en vue de se reconstituer, d’un espace thérapeutique pour lui seul. Dans ces cas, le dispositif d’une thérapie de famille ou de couple, du moins au départ, est à déconseiller (c’est le cas pour les situations de violence intrafamiliale, par exemple).
Y a-t-il une manière spécifiquement systémique de mettre en place un cadre thérapeutique, qui réunit un patient et son thérapeute ?
Le cadre thérapeutique est entendu ici comme le dispositif et l’ensemble des règles définissant la relation entre le patient et le thérapeute. Selon Gilliéron (1994), ce cadre est mis en place sur la base de l’analyse de la demande, de la formulation d’une hypothèse de crise et de la prise en compte du type de relation instaurée par le patient.
S’il y a une spécificité à la PIOS concernant la mise en place du cadre thérapeutique, elle se situe, selon nous, dans l’attention constante que le thérapeute systémicien va prêter à l’ajustement du cadre tout au long de la thérapie. En référence au modèle de l’encadrement élaboré par Fivaz, Fivaz et Kaufmann (1982), un tel ajustement s’opère sous la responsabilité du thérapeute mais en co-construction avec le patient : garantissant la stabilité dynamique du cadre, c’est en partie grâce au retour d’informations du patient que le thérapeute parviendra à se montrer suffisamment proche de lui, tout en lui restant extérieur.
Pour l’ajustement continuel du cadre, le thérapeute systémicien est particulièrement attentif :
- à la dimension contextuelle de la demande : les modes de venue à la consultation, les personnes de l’entourage concernées par la consultation, les démarches thérapeutiques antérieures et le réseau d’intervenants sont particulièrement investi- gués (Tilmans, 1999) ;
- à la demande, la pathologie du patient, mais aussi à ses compétences ;
- à la visée de la thérapie, à savoir l’autonomie du patient (conçue d’un point de vue systémique comme une distribution équilibrée entre ce qui lui revient et ce qui revient à son environnement, dans son travail d’adaptation optimale). Dans ce but, le thérapeute peut être conduit à intégrer activement dans le processus thérapeutique individuel les proches du patient, soit au moyen de questions ou de tâches les concernant, soit à la faveur d’échanges qu’il encouragera à tenir avec eux (cf. Terry, 1989, Jenkins et Asen, 1992).
Dans une PIOS, l’accent est mis sur le relationnel du patient (avec ses proches, mais avec le thérapeute également), tel qu’il en fait l’expérience dans sa dimension intersubjective directe et actuelle (cf. Stern, 2003). Dans sa méthode d’observation, le thérapeute privilégie l’« ici et maintenant » des relations du patient en prenant en compte leurs dimensions non verbales et comportementales, sans se couper pour autant, quand c’est indiqué, d’une exploration du passé et du monde intrapsychique du patient, qu’il mettra en lien avec l’expérience de ses relations actuelles.
Conclusion :
La psychothérapie individuelle peut tout à fait se pratiquer avec la mise en place de certains ajustements par rapport à la thérapie familiale.
